Cette année, pour Halloween, l'association des parents d'élèves m'a demandé de lire un conte aux enfants durant leur parcours aux bonbons.

Avec Reno on s'est pas mal défoncés pour que tout s'y prête : ambiance, déco, son, effets spéciaux, costumes...

En cherchant sur le net un conte horrifique qui le fasse bien, comme sans doute un paquets d'autres gens, je me suis rendue compte que y avait que du caca pourri ; histoires mal écrites, trop longues ou pas adaptées, voire carrément brèves façon article de fait-divers, rien ne convenait.

Alors j'ai écrit un truc, sur la base d'une histoire de ma mère. J'ai testé, ça a plutôt bien fonctionné auprès des mômes, du coup je me suis dit que ce serait pas mal de la mettre en ligne, histoire que d'autres parents puissent en profiter éventuellement (attention hein, à lire avec les formes, on n'est pas des bêtes) :



La petite fille au bonnet blanc

C’était un village majestueux, aux remparts millénaires, aux ruelles tortueuses et au panorama irréel.

Puycelsi, petit bijou sur sa colline, dominant la vallée et les forêts environnantes, n’était pas qu’un ravissement pour ses visiteurs et ses habitants. Car on disait le lieu hanté.

Une légende prétendait que, certaines nuits, lorsque la lune était pleine et laiteuse, on pouvait apercevoir, marchant le long des remparts, une petite fille au bonnet blanc, ces bonnets de grand-mère que l’on peut voir sur les gravures anciennes. Une petite silhouette blanche, noyée dans le brouillard qui s’abattait souvent sur la petite cité, la nuit venue…

C’est ici même, sur la place du Fus, qu’un beau matin débarqua la famille Delamarre. Le père, Georges, la mère, Denise, et la petite Madeleine, une enfant chétive au grands yeux bleus, avaient décidé de quitter la grand ville pour s’installer dans cette maison ancienne, au cœur de ce village charmant parsemé de ses roses trémières.

En nettoyant la cave, Georges Delamarre avait déniché un coffre tout poussiéreux contenant une antique dinette en porcelaine finement ciselée, ainsi qu’une poupée au charme désuet. Madeleine tomba immédiatement amoureuse de la petite figurine au sourire délicat, à la peau subtilement rosée, aux yeux ourlés de cils qui se fermaient quand on la couchait.

Jusqu'au soir, Madeleine va bercer ce poupon d'un autre âge dans l'odeur des roses et les bourdonnements d'abeilles.

Le crépuscule descend, posant un voile bleu sur le paysage. La fillette n'en a cure. Perdue dans son rêve, elle se raconte mille histoires merveilleuses, tout en cajolant son amie de cire. Puis vient la nuit, scintillante d'étoiles. Bien que soit largement dépassée l'heure du coucher, Madeleine est toujours là. Ses parents, occupés par l’emménagement, l'ont un peu oubliée, et il fait si doux, dehors...

Petit à petit, la place commence à se couvrir d’un tapis vaporeux. Mais la petite fille ne remarque rien, toute à son jeu.

Soudain, dans la ruelle déserte, elle voit passer quelqu'un. Une silhouette blanche, longeant le muret, qui semble flotter plus qu'elle ne marche. Intriguée, elle se lève, s'approche. « Chouette, une copine ! » se dit Madeleine. Elle hèle l'inconnue qui, pour autant qu'elle puisse en juger à la clarté blème de la lune, a presque son âge.

Mais l’inconnue ne lui répond pas et continue son chemin.

« Elle ne m’a pas entendue » se dit Madeleine, l’appelant de nouveau. Seul un sanglot discret lui parvient, porté par la brise. Madeleine, touchée par cette tristesse inattendue, décide de suivre la petite silhouette. Peut-être est elle perdue, peut-être cherche t’elle ses parents ? Elle appelle à nouveau : « Hé ! Attends ! Je vais t’aider si tu veux, ne pleure pas ! ».

Soudain, la silhouette fait volte-face, et s’approche en un clignement d’œil de la petite Madeleine. Traversée d’un sentiment de panique, elle réalise alors l’étrangeté de la situation. La petite fille, blanche de la tête aux pieds, ne repose pas sur le sol, elle s’est déplacée sans bruits, et se trouve maintenant face à elle. L’expression torturée, l’apparition hulule :

« RENDS-MOI MA POUPÉE ! »

Terrifiée, Madeleine prend ses jambes à son cou, elle ne court pas, elle vole littéralement, aveuglée par des larmes de peur. Elle fuit, fuit, et finit par s’arrêter, figée, au cœur de la ruelle la plus sombre du village. Serrant le poupon contre elle, plongée dans l’obscurité la plus totale, elle n’entend plus que les battements de son cœur. Poum-poum. Poum-poum.

Tout s’est passé si vite, que Madeleine à présent n’est plus si sûre de la réalité des choses. Elle se rend toutefois compte qu’elle est complètement perdue…

« RENDS-MOI MA POUPÉE ! »

Le cri lui a littéralement fait exploser le cœur. Le fantôme est là, devant elle, ses yeux sans pupilles plongés dans ceux, larmoyants, de Madeleine. Cette dernière se redresse d’un bond avant de filer à toutes jambes pour échapper à cette vision de cauchemar…

Sa course folle la conduit au cimetière, en bas du village. La pauvre petite, essouflée, terrorisée, se recroqueville derrière un tombeau. Le brouillard est si dense qu’elle ne voit plus ses propres pieds, et un froid surnaturel se saisit d’elle. Tremblante, elle sent la présence furtive du spectre qui erre entre les tombes en geignant

« rends-moi ma poupée… rends-moi ma poupée… »

C’est là que Madeleine comprend. À ses pieds, pour autant de ce qu’elle aperçoit dans le brouillard cotonneux, se trouve une pauvre tombe que personne ne fleurit plus depuis bien longtemps. « Laurette Argenteau, morte à 9 ans le 31 octobre 1923 », lit-elle. Un médaillon attire l’attention de la jeune fille : une photo pâlie, représentant un visage souriant. Celui du fantôme…

Alors, Madeleine dépose la poupée auprès du portrait. L’apparition, soudain, semble sereine, et, lentement, se dirige vers sa pierre tombale avant de disparaître dans le sol, emportant avec elle son brouillard fantômatique…