Bonjouuuuur !

Cette semaine, j'avais vraiment pas envie de dessiner (je carbure beaucoup en ce moment, je n'ai jamais dessiné autant, mais ma bd avance bien !), d'autant que j'avais des trucs d'animaux à raconter (pas grave, ça me fait de la réserve pour les futures notes !). A la place, je vous ai torché (pardon pour la pauvre qualité graphique !) un échange que j'ai eu avec un de mes voisins...

http://melaka.free.fr/blog/voisinage.JPG

Donc on a là, en campagne, clairement une incompréhension qui se creuse de plus en plus entre les gens, au fur et à mesure de la dégradation des éléments climatiques et de la biodiversité en France... J'ai tenté de lui expliquer mon point de vue, comme quoi 70% des insectes ont disparu, que la végétation qui pousse c'est pas sale, qu'il est temps, au vu de l'urgence écologique, de reconsidérer nos environnements et qu'un terrain "sauvage", où l'herbe pousse, où la diversité de plantes est bien supérieure à celle que l'on trouve dans un gazon tout tondu, ne doit plus être considéré comme une mauvaise chose, que les hérissons (mis à mal par les routes, par les tontes incessantes dans tous les jardins, par ces foutues tondeuses robot qui sont devenues leur première cause de mortalité !) et autres taupes ont le droit de vivre tranquille dans des espaces préservés, que les couleuvres sont une bonne chose puisqu'elles mangent les rongeurs qui attaquent leurs potagers, etc... Il m'a rétorqué que c'est la campagne ici, qu'ils ont plein d'espaces ces animaux là ! Oui mais non, Francis, d'abord, la campagne est très aménagée, il y a des pesticides dans les champs, et puis ces bébêtes-là vivent dans nos jardins, elles profitent aussi de nos restes, de nos composts, c'est comme de dire "bah, les pigeons n'ont qu'à pas vivre en ville, ils ont tout le reste pour eux !", sauf que la ville, c'est leur habitat, tout comme nos jardins... Quant au "voisin que ça dérange", oserais-je préciser qu'il s'agit du même voisin que celui qui laisse tourner son tracteur pendant une demi heure voire plus, pendant qu'il fait autre chose, juste en-dessous de notre fenêtre, empuantissant ainsi toute notre maison ? Que c'est le même voisin, chasseur, qui laisse stationné en période son 4x4, en plein soleil, dont le coffre est plein de chiens hurlants, toujours sous notre fenêtre ? Le même voisin qui, bien entendu, passe son temps, à 80 ans passés, à aller et venir avec tous ses engins à essence, qui pour désherber son allée, qui pour retourner sa terre, qui pour faire je sais pas quoi...

Oh, je ne lui reproche pas (on râle un peu entre nous mais bon, on respecte), je n'oserais jamais aller lui dire, moi, néo-rurale, comment il doit vivre, hein ! Je sais bien que ces ruraux-là ont toujours quelque chose à faire, et une partie de moi même admire même leur propension à ne jamais glander, à être sur le pied de guerre chaque jour à 6h du mat pour entretenir leur jardin, leur potager, leur maison...

Mais je n'ai pas choisi l'expression "sur le pied de guerre" pour rien. Parce qu'on touche là une fracture essentielle entre la vision que l'on a de nos environnements. Les vieux ruraux le dominent, le soumettent, passent leur temps en guerre contre lui, contre les insectes, contre les bestioles, contre les "mauvaises herbes", contre la mousse qui vient se mettre sur leur terrasse en béton, ils sont dans une guerre et une confrontation permanente, chaque jour renouvelée, pour que leur cadre de vie soit propre, bien rasé sur les côtés, que rien ne dépasse. Je suis persuadée que chez eux, c'est tout bien rangé, statique... mort. Comme la vie dans leurs sols, sans cesse retourné, sans cesse arrosé de produits désherbants.

Et le plus triste dans tout ça, c'est que tous ces voisins fous de tonte, qui ont des pelouses de golf, nickels chrome, dans lesquelles rien ne dépasse... n'y sont jamais, dans leur jardin. Jamais, sauf pour y travailler. Alors, à quoi bon ??

Chez nous, c'est le bordel, tant dans la maison que dans le jardin. L'environnement, on en fait partie. Lutter contre lui me semble vain, inutile, néfaste. Pourquoi faire ?? La mousse qui pousse sur mon béton, je la regarde avec bienveillance, je préfère le vert que le gris. La petite plante qui pousse vaillamment dans une de ses anfractuosités m'émeut, pour rien au monde je ne l'arracherais. Dans le jardin, nous avons fait de la "tonte differenciée" : juste des chemins tondus, pour pouvoir aller à un point ou un autre, sur nos lieux de squat, tout le reste est réservé à la faune, qu'on n'embête même plus juste en marchant. En plus, c'est super beau, cette diversité de plantasses toutes plus fleuries les unes que les autres, ça grouille de vie, les insectes sont peinards... Dans notre maison, oui, c'est toujours un peu le bordel, on fait le minimum côté ménage parce qu'on n'aime pas ça, et que passer notre temps à ranger-nettoyer-trier-classer, sachant que de toute façon, tout est à refaire chaque jour si on veut vivre dans un environnement nickel, que c'est un combat sans fin, bah ça ne nous fait pas rêver. On nettoie le sol, régulièrement, mais notre environnement est vivant, comme l'est notre jardin... Dans lequel nous passons beaucoup de temps !

Je sais bien que pour eux, on est des "écolos-bobos-feignants", ils ne comprennent pas notre manière de vivre, ils ne comprennent pas qu'on puisse travailler et gagner notre vie juste en restant dans nos bureaux à faire des activités calmes, ils ne comprennent pas pourquoi on laisse les chats, les poules et autres moutons en liberté dans notre jardin, ils ne comprennent pas pourquoi je ne lave jamais ma voiture... Mais la tâche consistant à leur expliquer que chacun de ces faits a une raison d'être, que c'est quasiment militant, que ma voiture n'a pas besoin d'être rutilante vu toute l'eau que ça gâche, que mes animaux sont plus heureux en liberté, etc., me semble bien compliquée. Ils ne comprendraient pas. Ils sont légitimes, parce qu'ils sont nés ici, qu'ils ont toujours fait comme cela, et nous, on est des pièces rapportées, c'est pas nous qui allons leur faire la leçon, hein ! Comment leur exprimer notre peur de l'avenir, incertain, l'impact terrible de toutes ces activités humaines sur le climat, sur la faune ? Comment leur expliquer que ce que nous estimons enviable, nous, c'est une forme de décroissance, en faire le moins possible pour ne pas traumatiser notre environnement, éviter de gâcher l'eau, préserver le maximum de vie ?... ça me semble vain.

 

petite précision, avant qu'on ne me le reproche : la piscine, c'est une petite hors-sol que nous avons laissé se remplir essentiellement via les nombreuses pluies de ce printemps :)